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Assassinat de Mehdi Kessaci : pour une réponse politique à la hauteur de l’emprise mafieuse du narcotrafic

Conseil municipal du 01/12/2025 – Intervention de politique générale des élu·e·s écologistes et citoyen·ne·s portée par Gaëlle Rougier

Samedi 22 novembre une marche blanche réunissait à Marseille et dans d’autres villes, plusieurs milliers d’habitants, de militants politiques ou associatifs, de personnalités, autour d’un hommage à Mehdi Kessaci, tombé sous les balles des narcotrafiquants.

Cet assassinat a été largement commenté. D’abord parce qu’il touche le petit frère d’un militant associatif écologiste, notre camarade Amine Kessaci et qu’il est un crime d’intimidation visant à museler la résistance populaire, policière et politique au trafic de stupéfiant.

Ensuite parce que la famille Kessaci, avec ce deuxième fils assassiné dans des conditions extrêmement violentes, est emblématique du lourd tribut que paient les familles des quartiers populaires dans ce contexte.

Dans notre ville, personne n’ignore le poids du narcotrafic sur le quotidien d’un certain nombre d’habitants, de commerçants victimes de tentatives de racket et de perte de revenus, de nos agents municipaux ou d’employés des entreprises qui interviennent en proximité des spots de deal. Nous avons pleinement conscience de l’emprise que tentent d’installer les dealers dans certains bas de tours, filtrant les entrées et les sorties, dégradant les lieux et vivant eux-mêmes dans des conditions effarantes bien souvent, bloquant des ascenseurs, occupant certains logements pour en faire des nourrices, repérant les fragilités pour asseoir leur trafic. 

Les parents, notamment les mères, nous disent bien la peur de voir leur enfant, soit tomber dans le narcotrafic, soit prendre une balle perdue, soit être pris lui-même pour un dealer par la police, notamment lorsqu’elles ont des garçons adolescents. 

Car c’est cela aussi que produit le narcotrafic dans les quartiers : la peur de la stigmatisation, des propos haineux ou racistes à leur égard, la peur d’être accusées d’être des parents défaillants, des citoyens inadaptés incapables de « gérer » leurs enfants, voire « leur » quartier, comme si bien plus que d’en être les victimes, ils étaient responsables de la situation. Les récits médiatiques qui réduisent les quartiers au trafic blessent les habitants et abîment la cohésion sociale.

Nous savons aussi comment nos agents municipaux interviennent dans des conditions parfois difficiles. Nous les remercions chaleureusement pour ne rien lâcher du service public local dû à la population. Car nos politiques de rénovation urbaine, l’installation de commerces, d’équipements publics, les évènements organisés sur l’espace public, tout cela gêne le narcotrafic, tout cela contribue à ne pas laisser le deal s’incruster et à faire en sorte que, justement, Rennes n’est pas Marseille et ne connaît pas de zones de non-droit où police, pompiers, Samu ne vont pas. 

Et c’est bien là où doit être l’action d’une municipalité, en complément de l’action de la police nationale et de la justice qui doivent la protection aux populations, en lien avec notre Police Municipale qui contribue à une présence active sur le terrain. 

Voilà pourquoi notre ville qui œuvre pour des actions de prévention, d’éducation et de santé est dans le vrai. Stratégie moins vendeuse sur CNews et chez Pascal Praud sûrement qu’une litanie de lieux communs sur le narcotrafic, mais au plus près de la vérité et des besoins exprimés sur le terrain. 

Regardez, rien que sur ce conseil, nous aurons à voter la convention pour la médiation à l’école, diverses subventions en soutien à la santé mentale, pour les jeunes et notamment pour le CAARUD qui accueille et accompagne les usagers de drogues, des subventions diverses pour les associations en quartiers populaires, le renouvellement de la convention avec Liberté couleurs qui agit en milieu scolaire, notamment pour la prévention de l’entrée dans le trafic, pour les associations qui œuvrent pour l’accès au droit des jeunes et les accompagnent dans leurs projets et leur insertion comme We Ker, le 4bis, Cop Eskemm et Keur Eskemm. Regardez tous ces interstices où l’action municipale se déploie et entrave la grande roue du moulin du narcotrafic !

Et si d’aucuns se demandent pourquoi et comment nous en sommes arrivés là, il faut regarder en face comment la France n’a pas anticipé un trafic mafieux qui s’installait et qui revêtait des formes nouvelles, notamment via internet et les RS, en dépit des alertes des services de lutte contre le narcotrafic. Il faut regarder en face les moyens dégradés de nos grands services publics régaliens de police et de justice. Comment justifier que sur le quartier de Villejean, les policiers soient parfois si peu nombreux qu’il faille fermer le commissariat de quartier ? 

Il faut regarder en face la pauvreté qui s’étend, le décrochage scolaire en quartiers populaires, les troubles en santé mentale et les fragilités diverses qui se sont accrues ces dernières décennies, faisant le lit du narcotrafic en fournissant toujours plus de consommateurs d’un côté et un réservoir toujours plus grand de jeunes gens vulnérables entrant dans le trafic de l’autre.

Il faut enfin prendre la mesure de ce système mafieux, sa capacité d’emprise et de corruption toujours plus grande et accélérer la mise en œuvre de la loi issue du rapport Durain-Blanc et s’attaquer à l’argent du trafic qui profitent des paradis fiscaux, ceux-là même que nos gouvernements libéraux protègent. Enfin, sans dogmatisme, il s’agit d’envisager la légalisation du cannabis pour casser une partie du trafic et mieux le contrôler. Sans être une solution miracle exempte de biais, les études, les expériences menées sur ce terrain se révèlent aussi sinon plus efficaces que le tout répressif.

Pendant ce temps-là, qui nous semble désespérément long, les municipalités elles affrontent la réalité du quotidien.

Lors du mouvement de solidarité spontané pour la famille Kessaci, nous avons entrevu une forme d’espoir. L’espoir que ce sujet soit traité désormais dans les médias avec la nuance qu’il convient et pris en charge par l’État et par le personnel politique comme, non pas un objet de politique politicienne mais comme un objet de politique, tout court, un défi commun auquel il nous faut répondre ensemble.

Car depuis plusieurs mois, la question du narcotrafic est renvoyée dans le cadre des élections municipales à venir, non pas à un fait de société global mais à la responsabilité de quelques édiles locaux qui porteraient, à eux seuls, la responsabilité d’un narcotrafic dans leur ville, notamment lorsque la ville en question est dirigée par des élus de gauche et écologistes.

Pourtant, ce sont 8 communes sur 10 qui sont désormais concernées par la drogue. Parmi les 30 grandes villes de plus de 100 000 habitants les plus touchées par le narcotrafic, on trouve des villes aussi diverses en géographie et en couleur politique de leur maire que Saint-Denis, Paris, Lille, Marseille, Rennes, Grenoble mais aussi Toulon, Toulouse, Perpignan, Aix en Provence, Nice ou encore Nîmes. 

Nice a essuyé en octobre dernier une fusillade mortelle liée au narcotrafic dans le quartier sensible des Moulins. Il y a quand même eu 2 morts et 5 blessés lors de cette fusillade qui n’était pas une première. En juillet 2024 déjà un incendie volontaire lié à un règlement de compte entre narcotrafiquants a tué 7 personnes dont 1 adolescents et 3 enfants.

M. Estrosi n’a pourtant jamais eu lui à affronter un procès en « laxisme » comme celui qui a été fait à M. Payan à Marseille par Bruno Retailleau et qui est fait régulièrement par la droite et l’extrême-droite aux équipes municipales de gauche et écologistes, à Rennes comme ailleurs.

Il est d’ailleurs incroyable de voir des ministres se ruer sur ces drames pour faire tourner leur boutique électorale alors qu’ils devraient être les garants de l’action résolue et impartiale de l’État aux côtés de tous les maires, quelle que soit leur couleur politique, pour contribuer à lutter contre le fléau du trafic.

Sortir des clichés populistes serait déjà une avancée et par cette adresse j’en appelle aussi à la responsabilité de nos collègues de l’opposition rennaise.

A travers la critique politicienne des élus des villes de gauche, c’est aussi l’image de l’élu tout court que l’on abîme. Il ne faut plus s’étonner de la montée du dégagisme de tous bords dans nos villes, quelle que soit la couleur politique, quand les campagnes des élections municipales deviennent des machines à dénigrer, à peu de frais, l’action locale.

En tous cas, loin des propos convenus et faciles, loin des reels et des posts qui font des likes et du buzz, notre municipalité, comme nous allons le voir au travers des délibérations nombreuses ce soir que j’ai citées tout à l’heure traite avec sérieux, à la racine, ce mal qu’est le narcotrafic.

Et nous, élu.e.s écologistes, formulons le vœu que le meurtre de Medhi Kessaci soit l’électrochoc qui permette enfin une forme d’unité nationale pour ne pas dire de « dignité nationale » face à un danger qui menace plusieurs fondements de notre démocratie.

Je vous remercie.

– Seul le prononcé fait foi –