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Face à la violence du narcotrafic, exiger l’action de l’État et défendre une réponse globale

Conseil municipal du 19/05/2025 : Intervention de politique générale portée par Laurent Hamon au nom des élu·e·s écologistes et citoyen·ne·s

Madame la Maire, mes chers collègues,

Le narcotrafic continue de marquer l’actualité de notre ville. En 2 ans, Rennes a basculé… 29 fusillades. 7 quartiers touchés. Des écoles confinées. Un enfant blessé à la tête. Une guerre violente pour le contrôle des points de deal s’est installée dans notre ville et d’en bien d’autres. Nous pensons aux victimes, à leurs familles, aux commerçants et habitants durement affectés. Nous saluons l’engagement des secouristes, des travailleurs sociaux, des forces de l’ordre, et de tous les agents de l’État, qui, malgré des moyens limités, agissent sans relâche. Merci également aux associations, à nos agents municipaux et aux élus mobilisés.

Alors, contrairement à ce que disent certains membres de l’opposition, nous sommes bien présents aux côtés des habitants. D’ailleurs peut-être bien plus qu’eux, puisque nous y sommes au quotidien. Et les habitants nous disent, à raison, qu’ils ont peur et qu’ils sont même en colère : cette situation est injuste, insoutenable et incompréhensible.

Les habitants demandent à pouvoir vivre en sécurité et la Ville a fait sa part durant ce mandat en recrutant par exemple 40 policiers municipaux. Nous insistons, celle-ci doit rester une police de proximité avec son volet répression et son volet prévention. Mais la lutte contre le narcotrafic relève exclusivement d’unités comme la BAC, BST, le RAID, la BRI ou l’OFS. Donc ce n’est pas à la porte de la Mairie qu’il faut frapper, mais bien à celle de la Préfecture et du Ministère de l’intérieur.

Or, que se passe-t-il ? Après une fusillade, le Préfet annonce l’arrivée de la CRS 82… pour quelques jours. Et il ajoute je le cite : « Nous n’avons pas de visibilité en termes de moyens supplémentaires au-delà du week-end », puis « des réponses seront apportées lundi selon les disponibilités pour les jours suivants ». Sincèrement, au vu de ces propos, comment voulez-vous que les habitants soient rassurés par ce type de déclarations ? Rennes attend une stratégie de sécurité cohérente, lisible, durable. Pas des annonces au coup par coup.

Pendant que le trafic explose, les ministres viennent, puis repartent. Les maigres promesses s’accumulent. Les renforts durables, eux, ne viennent jamais ou que rarement. Les habitants, eux, n’en peuvent plus. Ils réclament une police nationale de proximité, sur le terrain, dans la durée. Pas des renforts éphémères, mais une présence rassurante, ancrée dans le quotidien.

Depuis deux ans, nous, élus locaux, tirons la sonnette d’alarme sur la question cruciale des effectifs de police nationale. Combien de policiers nationaux sont aujourd’hui affectés à Rennes ? Où sont les renforts annoncés par l’État ? Les Rennaises et les Rennais doivent savoir. Et doivent aussi savoir que l’État refuse de nous donner les chiffres des effectifs de police nationale à Rennes. Selon les syndicats, il manquerait environ 150 policiers nationaux dans notre zone police. Un tel déficit est profondément préoccupant pour une métropole de notre envergure. 

Cela tranche avec les déclarations du commandant de la gendarmerie en Bretagne, qui affirme pouvoir mobiliser des renforts d’enquêteurs à tout moment, et fait preuve de transparence en évoquant précisément les effectifs engagés. Si seulement la même transparence et les mêmes moyens pouvaient être déployés à Rennes. 

D’ailleurs, l’opposition municipale demeure étrangement silencieuse sur ce sujet. Dans votre dernier communiqué de presse, Monsieur Compagnon, vous y faites allusion du bout des lèvres, mais, à vrai dire, c’est bien la première fois depuis le début du mandat. 

Mais je souhaite surtout revenir sur le reste de votre communiqué. Car vos propos sont d’une telle gravité qu’il est impossible de les laisser sans réponse. Vous décrivez Rennes comme — je vous cite — « le laboratoire d’un désordre revendiqué », ou encore, comme « une terre d’asile pour ceux qui défient l’autorité ». Mais vous ne vous arrêtez pas là. Vous allez jusqu’à affirmer que nous aurions, nous la majorité municipale, « désarmé les institutions » et « laissé le champ libre à toutes les transgressions ».

Franchement, je le dis avec gravité monsieur Compagnon : ce ne sont pas là les mots d’un débat républicain sur la sécurité, ce sont des slogans de campagne, et qui ne mènent à rien. Alors on a bien compris que vous étiez entré en campagne électorale, où vous choisissez la caricature et travestissez la réalité. Mais ces outrances ne rendent pas compte de la complexité de la situation, en particulier sur des sujets aussi sensibles que le narcotrafic. Cela ne sert pas le débat public. Notre responsabilité collective, ici, n’est pas d’agiter des anathèmes. Elle est d’agir avec rigueur, lucidité et détermination. Rennes et ses habitants méritent mieux et bien mieux que ces mots-là.

Faire croire que la vidéosurveillance — pourtant déjà présente sur les lieux des fusillades — ou que davantage de policiers municipaux équipés d’armes à feu vont enrayer les violences liées au narcotrafic, c’est mentir aux habitants. Preuve en est : à Toulouse, Nice, Le Havre, Roubaix : toutes dirigées par la droite, certaines même par Horizon (parti auquel vous avez adhéré) sont elles aussi frappées par des fusillades. Cette fuite en avant sécuritaire, qui vise à transformer la police municipale en une police nationale bis, n’est qu’un écran de fumée. Alors on l’a bien compris, le gouvernement veut transférer des missions régaliennes de l’État vers les collectivités. Sur ce sujet, comme sur beaucoup d’autres. Or, la sécurité ne se sous-traite pas : elle s’assume au plus haut niveau de l’État.

Nous affirmons aussi que la lutte contre le trafic passe par l’éducation et le social. Mais c’est une réalité : sans éducateurs de rue, sans lutte contre le décrochage scolaire, sans moyens pour les associations et la politique de la ville, on laisse un terreau fertile aux trafics. L’État doit d’urgence renforcer ces leviers, car cette crise n’est pas uniquement une question de sécurité. Elle est aussi une question de santé publique, d’éducation, de cohésion sociale. Le trafic prospère sur la précarité, sur les failles du système, sur la vulnérabilité des jeunes livrés à eux-mêmes. En ce sens, depuis 2020, notre collectivité a doublé son budget dédié à la prévention et à la médiation. Les équipes d’éducateurs ont été renforcées. Les initiatives de quartier soutenues. Mais sans un engagement fort de l’État, ce sont des pansements sur des jambes de bois !

Enfin, sur le plan sanitaire, nous pensons qu’il est urgent de sortir du dogme et d’aider les usagers à sortir de la dépendance. Il faut le dire, la France accuse un retard en matière de santé, alors que d’autres pays expérimentent et avec succès. À Rennes, par exemple, les Haltes soins addictions (HSA) sont désormais intégrées au Contrat local de santé, mais malgré des évaluations positives à Paris et Strasbourg, le gouvernement bloque d’autres expérimentations, notamment à Lille et Marseille. Mais on ne désespère pas, de pouvoir la mettre en place ici à Rennes. 

En conclusion, si nous saluons l’adoption récente — il était temps — d’une loi contre le narcotrafic, nous affirmons aussi que cela ne saurait suffire. Il est urgent de mettre en place un véritable plan national, interministériel, qui articule de manière cohérente les volets sécuritaire, sanitaire, éducatif et social. Ce plan doit être doté de moyens à la hauteur des enjeux et s’accompagner d’objectifs clairs et de résultats mesurables. C’est dans la complémentarité entre l’action de l’État et celle des collectivités locales que résident les solutions durables. L’État doit pleinement assumer sa responsabilité : qu’il prenne toute sa part, comme nous, nous le faisons.

– Seul le prononcé fait foi –