Conseil métropolitain du 20 juin 2024 – Intervention portée par Morvan Le Gentil au nom des élu·e·s écologistes et citoyen·ne·s sur la délibération n°1 : M. Dehaese O. : Développement durable du territoire – Environnement – Énergie – Plan Climat Air Énergie Territorial – Débat d’orientation
Ces dernières années, nous avons pu observer au niveau européen un mouvement d’attaque et de remise en question des engagements écologiques de l’Union européenne, notamment du Pacte Vert.
Ce retour en arrière s’est vu conforté à tous les niveaux territoriaux avec la récente mobilisation des syndicats agricoles majoritaires, dénonçant les soi-disant diktats environnementaux et conduisant à de nombreux reculs sur la transition écologique de l’agriculture.
Aujourd’hui, dans un contexte politique national bouleversé, avec des élections législatives organisées au pas de course, la question climatique et plus largement environnementale apparaît, une fois de plus, reléguée au second plan.
La Stratégie nationale bas carbone et le Plan national d’adaptation au changement climatique, dont les présentations ont été maintes fois repoussées par l’exécutif, voient leur destin suspendu aux résultats des élections.
Pourtant, ce ne sont pas les indicateurs de l’aggravation et de l’accélération de la crise climatique qui manquent. Les canicules continuent à se multiplier au niveau mondial : fin Mai, l’Inde a frôlé les 53 °C, avec des centaines de morts et s’est vue contrainte de fermer ses écoles ; en début de semaine, plus de 1000 pèlerins sont morts de chaleur à La Mecque.
La Bretagne, on le sait aujourd’hui, ne sera pas épargnée. Notre territoire métropolitain a déjà connu une hausse de 1,7°C depuis l’ère préindustrielle, une chute du nombre de jours de gel et voit les records de chaleur se multiplier.
Dans ce contexte qui peut apparaître à la fois paradoxal et décourageant, les collectivités ne doivent pas, ne peuvent pas renoncer à leurs engagements climatiques et environnementaux, d’autant qu’il s’agit d’une demande forte exprimée par les citoyens.
Dans notre métropole rennaise, l’enquête TMO a ainsi révélé que près de 7 métropolitains sur 10 attendent davantage d’action autour de l’enjeu climatique. Ils ont compris que derrière ces questions de climat, d’air et d’eau, c’est notre capacité à nous nourrir, à vivre ensemble et en bonne santé qui est en jeu.
Engagée depuis de nombreuses années dans la transition écologique, notre métropole a réinterrogé l’ensemble de ses politiques sectorielles et transversales en ce sens. Plusieurs indicateurs positifs sont à souligner :
- Le constat est fait d’une diminution de consommation d’énergie et de GES par habitant sur la période 2010-2021 : l’augmentation de la consommation finale d’énergie et de GES augmente moins vite que l’augmentation de la population.
- En 2023, dans un contexte de croissance démographique, le trafic automobile a observé une baisse de 2% sur l’ensemble de la métropole pour la première fois depuis 25 ans. Même s’il faut confirmer la tendance et s’assurer qu’il ne s’agit pas de renoncements de mobilité subis, cela ne peut qu’encourager la poursuite de notre politique de report modal à travers le développement des transports en commun et l’accompagnement au changement de comportement.
-La qualité de l’air est en amélioration depuis 2008, avec notamment des baisses d’émissions de particules fines et d’oxydes d’azote, liées notamment à l’amélioration des motorisations des véhicules.
Ce soir, nous nous apprêtons à voter les orientations du nouveau PCAET qui sera définitivement adopté au premier semestre 2025. Ce PCAET renouvelé est l’occasion d’actualiser et de renforcer notre ambition, notamment au regard des objectifs nationaux et européens, à savoir la baisse de 55% des émissions de GES d’ici 2030 et la neutralité carbone d’ici 2050.
Cette révision est aussi une opportunité pour accélérer le déploiement de notre action en faveur du climat et de la qualité de l’air, ainsi que d’intégrer des aspects insuffisamment pris en compte jusqu’ici, comme la question de la nécessaire adaptation.
Pendant longtemps, nous avons cru pouvoir contenir et donc éviter le dérèglement climatique avec nos politiques d’atténuation. Aujourd’hui force est de constater que l’atténuation et l’adaptation sont les deux jambes d’une même politique climatique à la hauteur des enjeux. Agriculture, transport, logement, urbanisme, alimentation, industrie, énergie : nous devons identifier les vulnérabilités et réinterroger l’ensemble de nos politiques au regard de la nouvelle donne climatique à venir, à savoir le climat de Montpellier à Rennes d’ici la fin du siècle. Les solutions existent : végétalisation, isolation, agro-écologie, prévention des risques. Nous saluons donc l’initiative de planification à long terme, qui commencera par la question des vagues de chaleur. Il n’est plus possible de continuer à mettre en œuvre de la laine de verre, dont la performance en confort d’été est aussi désastreuse que son bilan écologique ; il n’est plus possible de répondre par de la climatisation à des bureaux mal conçus, vitrés plein sud.
Nous, élu.es écologistes et citoyens, portons depuis longtemps la demande de prise en compte de l’empreinte carbone globale de notre territoire. C’est ici chose faite : réduire nos émissions importées, c’est réduire nos émissions issues de la production à l’étranger de biens que nous consommons ici. Cette notion nous permet de repenser notre modèle de consommation sous l’angle de la sobriété et du bien commun.
Dans le même sens, nous souhaitons également que la question de la réduction de la consommation, et non pas seulement de la surconsommation, soit posée.
Au regard de la question climatique, mais aussi de la raréfaction des ressources, il nous faut, en responsabilité, moins consommer, et donc encourager le non achat, ainsi que promouvoir toutes les pratiques de réparation et de réemploi, en cohérence avec notre feuille de route Économie Circulaire.
Pour aller dans le sens de la nécessaire sobriété, nous devons aussi questionner notre politique économique et industrielle. Il nous faut sortir d’une approche carbone uniquement axée sur les process de fabrication pour interroger la cohérence des biens produits avec notre projet de société écologique. Pour réaliser l’éco-socio conditionnalité des aides économiques de notre métropole, il faudrait à terme remplacer les dispositifs d’aides indifférenciées pour l’investissement et la création d’emplois par des appels à projet thématiques ciblés sur des secteurs vraiment prioritaires pour la transition écologique et sociale, et sur les petites et moyennes entreprises du territoire.
Dans cet esprit, il nous faudra aussi accepter l’idée de renoncer à soutenir, par nos financements publics ou nos terrains, des projets qui ne sont pas cohérents avec nos objectifs climatiques.
Sur nos politiques d’atténuation, nous devons poursuivre et amplifier les efforts déjà engagés sur les mobilités, l’habitat, l’agriculture et l’énergie.
Sur la planification énergétique, mentionnons que le schéma directeur des énergies à venir sera un véritable outil prospectif pour nous permettre d’atteindre nos objectifs et de mesurer année après année les résultats.
Le déploiement de projets d’énergie renouvelable sur notre territoire reste à ce titre essentiel, il en va de notre autonomie énergétique. Si nous devons porter une attention accrue aux impacts des projets sur la biodiversité, nous devons également travailler les questions d’acceptabilité, en favorisant les projets citoyens et en répondant avec pédagogie à certains arguments parfois en dehors du champ scientifique.
Concernant les aides à la rénovation énergétique des logements, suite aux changements de réglementation nationale, notre Métropole s’est vue dans l’obligation de mettre un terme à une partie des aides de Ma Prime Rénov’.
Dont acte, travaillons de nouvelles complémentarités avec les dispositifs nationaux : nous proposons de réorienter les financements ainsi dégagés vers le soutien, par des aides adaptées, à la filière stratégique des matériaux biosourcés.
Ce large éventail d’enjeux et d’actions va demander un suivi régulier pour évaluer nos trajectoires de façon plus dynamique et vérifier l’efficacité de nos projets. Nous savons qu’il est sans doute illusoire de viser une batterie de données exhaustive et complexe en temps réel. Pour autant, il nous semblerait important de trouver quelques indicateurs parmi les plus accessibles et les plus symptomatiques, qui permettraient d’identifier annuellement les domaines dans lesquels renforcer ou réorienter nos priorités et nos dispositifs.
Si elle veut réussir, la transition écologique ne peut être qu’une transition démocratique. Car les enjeux écologiques et sociaux sont interdépendants. À l’échelle de la Bretagne, les 1 % les plus émetteurs de GES ont une empreinte 4 fois plus élevée que celle de 50 % des Bretons les moins émetteurs. Face à ces inégalités, concentrons notre action pour embarquer habitants, acteurs économiques et acteurs publics du territoire autour d’un récit commun ; pour à la fois responsabiliser les plus riches et accompagner les plus modestes dans les investissements nécessaires.
La transformation écologique se fera avec les classes populaires ou ne se fera pas. En ce sens, notre nouveau PCAET doit être au rendez-vous. Dans nos quartiers et nos communes, nous devons donner à tous les habitants, sans discrimination, plus de pouvoir, et les moyens de prendre part à la nécessaire transformation de nos modes de vie. Parce qu’ils et elles sont les mieux placées pour prendre en compte leur réalité du quotidien.
La gravité des enjeux, la raréfaction des ressources et la multiplication des conflits pour y accéder, rendent par ailleurs le chemin démocratique incontournable.
C’est par exemple le cas pour l’eau : les travaux de la Chaire eau et territoires de Rennes 1 ont alerté de façon alarmante sur la multiplication des sécheresses sur notre territoire, qui menacent à moyen terme la capacité de notre territoire à fournir de l’eau en quantité suffisante pour sa population en croissance. La gouvernance des ressources doit reposer sur les fondamentaux démocratiques, de transparence et d’exemplarité, pour ne pas ouvrir la porte à la guerre des plus forts contre les plus faibles.
Enfin, nerf de la guerre, la question du financement ne s’est jamais posée avec autant d’acuité. Le rapport Pisani-Ferry-Mahfouz qui avait estimé à 67 milliards d’euros le montant des investissements nécessaires au niveau national doit se traduire en engagements budgétaires concrets. Sans choc de financement, les contraintes financières que nous connaissons seront un frein pour amplifier nos engagements. Nous devons travailler pour que chaque euro public dépensé, dans toutes nos politiques, soit cohérent avec cet objectif, et pour des dispositifs les plus efficients possibles ; mais nous ne pouvons pas non plus éluder la question d’une vraie fiscalité de la transition, qui devrait être une priorité nationale, en particulier au bénéfice des collectivités qui sont en première ligne des impacts climatiques.
En conclusion, le défi climatique nous oblige encore et toujours plus, à repenser en profondeur notre action publique, et en particulier la fabrique de nos villes. L’époque n’est plus à l’urbanisation sans limites et à la construction de grandes infrastructures très coûteuses.
Le défi collectif du 21è siècle est de réparer. Réparer nos espaces naturels et nos cours d’eau. Réparer en rénovant nos infrastructures existantes et en réutilisant nos matériaux. Réparer en plantant des arbres et en développant les alternatives à la voiture.
Alors qu’au siècle dernier nous parlions de maire bâtisseur, l’avenir n’est-il pas désormais aux maires réparateurs ?
Seul le prononcé fait foi