« Madame la Maire, cher·e·s collègues,
Depuis 2017, la politique nationale et les orientations toujours plus conservatrices du gouvernement nous offrent peu de moments de réjouissance et d’espoir. Il y a peu, l’adoption de la Loi Molac en faveur des langues régionales par une majorité de députés contre l’avis du gouvernement a été un de ces trop rares moments. La joie fut néanmoins de courte durée, depuis que l’on a appris que le gouvernement, avec le concours de plusieurs députés de la majorité, va essayer de faire barrage à la loi auprès du Conseil Constitutionnel.
L’examen en première lecture de la Loi Climat, à la suite du travail considérable de la convention citoyenne, devait être un nouveau temps historique pour notre pays et pour le climat. Il n’en a rien été alors nous assistons chaque jour aux manifestations toujours plus nombreuses du réchauffement climatique.
Tout d’abord, le choix fait par le Président de la République de ne pas respecter ses propres engagements auprès des 150 citoyennes et citoyens pose question. Le principe de la convention citoyenne et sa méthode de travail ont été salués, mais le refus de proposer l’ensemble des recommandations de la convention semble malheureusement plomber cette innovation démocratique dès de sa première expérimentation.
L’organisation du débat parlementaire a confirmé le manque de volonté du gouvernement de faire de cette loi climat un véritable levier de transformation écologique et sociale. Entre le choix de passer le texte en procédure accélérée pour limiter le temps du débat parlementaire et le fait de considérer irrecevables 20 à 25% des amendements, la majorité présidentielle a choisi de faire passer au rabais cette loi qualifiée d’historique. Cette méthode employée par le gouvernement ne permet pas selon nous d’embarquer les citoyennes et citoyens dans cet élan que doit être la transformation écologique de notre société. Cette aventure vers un avenir positif et résilient ne peut être que collective et partagée.
Oui, le texte issu de la première lecture comporte quelques avancées, comme un menu végétarien hebdomadaire pour la restauration scolaire, l’élargissement de la prime à la conversion pour l’achat d’un vélo à assistance électrique en remplacement d’un vieux véhicule ou encore l’objectif d’une division par deux du rythme d’artificialisation des sols d’ici 2030. Mais il est globalement faible sur son intensité et amoindri sur son champ d’application. Bref, il n’est pas à la hauteur des enjeux climatiques.
Il est en même trompe-l’œil sur certaines propositions comme l’interdiction des publicités pour les énergies fossiles, mais pas pour d’autres produits néfastes pour le climat. La loi se contente de “codes de bonne conduite” à la carte, vagues et sans sanction en cas de non-respect. Avec cette loi, les publicités pour les SUV ou les liaisons aériennes partant de Rennes par exemple ont de beaux jours devant elles. Le cadre est revu à la baisse également pour les publicités situées à l’intérieur des vitrines des commerces qui ne seront plus soumises à autorisation préalable du maire, et le contrôle se limitera aux publicités lumineuses.
Autre sujet majeur, la rénovation énergétique du parc immobilier. L’État n’organise pas activement la transformation de ce secteur en fixant véritablement un cap, avec un cadre clair et des moyens. Pire, depuis le Grenelle de l’environnement, il était acté que la France visait pour 2050 un parc de logements entièrement bien isolés (niveau BBC). Or, le projet de loi revoit à la baisse la définition d’une rénovation performante en permettant qu’elle amène les logements non plus à une étiquette énergie A ou B, mais à la classe C. C’est un recul extrêmement dangereux pour l’atteinte de nos objectifs sur le climat et l’énergie.
La loi aurait pu être également un outil efficace pour mettre en place des politiques publiques permettant de passer un cap significatif pour les mobilités actives ; ce n’est pas le cas non plus et c’est incompréhensible. Rappelons que le secteur des transports émet 27% des émissions de GES et que le vélo est le seul « véhicule » zéro émission. 90% des amendements issus des propositions conjointes de la Fédération Française des Usagers de la Bicyclette et du Club des Territoires et villes cyclables ont été rejetés avant même d’être discutés en commission spéciale. Qu’il s’agisse du Forfait Mobilités Durables, de la prime à la mobilité durable, du Savoir Rouler à Vélo, du fonds vélo ou bien de la lutte contre les angles morts, la généralisation des 30 km/h en centre-ville, ces propositions avaient pourtant été portées par tout le spectre politique, y compris au sein de la majorité…
Autre recul, le développement de la vente en vrac des produits en grande surface et de la consigne en verre, le gouvernement a repoussé les échéances de mise en place à 2025, pour l’éventuelle généralisation de la consigne et 2030 pour le vrac.
La dernière inquiétude que nous avons concerne les mesures sociales et d’accompagnement des ruptures que nécessite la transformation écologique de notre société. Si nous n’aidons pas fortement les plus modestes, il n’y aura pas de changement global. Les mesures pour assurer un accès de toutes et tous aux acquis de la transition écologique, comme le prêt à taux zéro pour l’achat d’un véhicule propre pour des ménages à faibles revenus ou la prise en compte des enjeux de reconversion professionnelle, sont très largement insuffisantes, voire absentes du texte. Des inquiétudes et des incompréhensions naitront de nouvelles résistances ou divisions au sein de notre pays. L’écologie sera sociale ou ne sera pas.
Vous l’aurez compris, cette loi climat et résilience non seulement n’est pas du tout à la hauteur des enjeux, mais laisse à penser en plus qu’il suffirait de quelques mesurettes pour basculer globalement vers une transition écologique et sociale.
Quelle que soit l’issue de ce travail législatif, ce débat national nous conforte dans l’idée que les territoires sont et seront les fers de lance de l’écologie. À Rennes et Rennes Métropole nous devons continuer dans notre lancée et mettre en œuvre notre programme majoritaire sans attendre pour déclencher une réelle accélération de la transition écologique.
Nous voulons quand même croire que les parlementaires, au Sénat comme à l’Assemblée Nationale, feront preuve de sagesse et d’ambition, quitte à aller contre l’avis du gouvernement qui est comme souvent timide et conservateur. L’exemple de la Loi Molac, encore elle, nous montre que les parlementaires, quelle que soit leur appartenance politique, peuvent prendre leurs responsabilités et être à la hauteur des enjeux en améliorant fortement ce texte de loi. Nous n’avons plus le temps pour les demi-mesures, l’urgence climatique s’impose à nous, il faut agir ! »