Intervention de Morvan LE GENTIL au nom du groupe écologiste et citoyen
La Ville de Rennes et la métropole se sont toujours distinguées dans le paysage national par une politique de l’habitat pionnière, et qui est devenue ce fameux modèle rennais.Les politiques de l’habitat sont un défi permanent et doivent sans cesse se réinventer. À Rennes le modèle rennais s’est adapté à travers des innovations sociales régulières et diverses expérimentations, dont certaines ont essaimé au niveau national.
Ce modèle basé sur la solidarité et sur un volontarisme politique toujours affirmé au fil des décennies démontre que les politiques de l’habitat ne peuvent être de simples politiques productivistes et que la maîtrise publique est un atout et non un frein.
Elle n’empêche d’ailleurs pas le partenariat avec les promoteurs localement, dans une négociation parfois tendue mais toujours aboutie.
Mais ce modèle de solidarité et de mixité sociale, basé sur la complémentarité des acteurs publics et privés et la pérennité du logement, est mis à mal aujourd’hui.
Même si notre métropole résiste bien mieux qu’ailleurs, nous percevons les effets de l’usure d’un modèle attaqué frontalement par le gouvernement actuel. Avec les coupes dans les APL, la ponction des HLM, les attaques contre l’hébergement d’urgence et notamment des personnes migrantes en situation irrégulière, les critiques contre l’encadrement du marché de l’immobilier… les actes contredisent totalement l’ambition affichée du plan pour le « logement d’abord ». Sans compter cet objectif d’inciter à vendre 40 000 logements sociaux par an, qui remet en cause la pérennité du modèle à la française.
Difficile de rester bon élève quand l’État vous met de tels bâtons dans les roues et que les effets de notre politique se trouvent en partie neutralisés.
Pourtant les résultats sont là : nous avons dépassé de plus de 20% les objectifs du PLH en matière de construction de logements neufs, la « stratégie du collier » avec une offre diversifiée et une production de logement social élevée, permet la mobilité résidentielle et assure la mixité. Alors que sur la métropole, entre 2015 et 2018, l’objectif était de 15 200 nouveaux logements, nous en avons livré 18 300.
Toutefois cette inflation de logements ne fait qu’accompagner une dynamique démographique encore plus importante que prévue.
Dans le locatif social nous sommes à Rennes à presque quatre demandes pour une attribution alors même que notre objectif de livraisons de logement social est largement dépassé, à l’échelle de la métropole, on compte 34 % de demandeurs en plus entre 2015 et 2018. On note aussi une paupérisation des entrants dans le parc social et une baisse de la mobilité résidentielle chez ses résidents. L’accès à la propriété étant toujours compliqué en dépit des nombreux dispositifs d’accession aidée. Le logement reste cher pour nombre de ménages, même dans notre métropole qui n’est pas la plus chère en France en termes de prix au mètre carré. Se loger demande un « effort privé excessif » comme le note la Fondation Abbé Pierre dans son rapport 2019 sur le mal logement en Bretagne. L’accès à la propriété, qui garantit la mobilité sociale, ne se fait pas toujours dans de bonnes conditions. Comme nous alertait l’ADIL lors de la réunion PLH de lundi dernier, le montant des travaux de rénovation atteint parfois des sommets, notamment dans les « quartiers politique de la ville », mettant en difficulté les ménages modestes et créant de la précarité; Car fut-il le rappeler, on peut être logé et mal logé, propriétaire et pourtant précaires.
Le logement très social, lui aussi est en tension, en dépit d’une batterie d’outils efficaces. À Rennes Métropole plus de 1100 personnes sont mises à l’abri chaque soir, et cela sans compter les personnes mises à l’abri dans le cadre de COORUS, les différents squats et hébergements solidaires des personnes migrantes comme il a été constaté lors de la récente Nuit de la solidarité. La question de l’accueil des personnes migrantes ne peut être traitée en marge de notre PLH et de nos politique de lutte contre l’habitat indigne, tant il devient évident que l’accueil de ces populations est désormais l’une des nouvelles fonctions des métropoles. Cette question dépasse les frontières communales et il nous faut prendre à bras le corps cette question au niveau métropolitain, créer des outils pour sécuriser ces parcours résidentiels des personnes en très grande fragilité sociale et favoriser l’accueil par les communes volontaires alors que les outils existants trouvent leurs limites et que l’État se désengage massivement de l’hébergement d’urgence.
Et une fois de plus nous pouvons nous appuyer sur l’expertise et le travail remarquable des associations. Derrière les innovations sociales qui ont émergé sur le territoire, les associations ont souvent été fer de lance, comme les Amitiés Sociales et les FJT par exemple ou pour le moins partenaires dans la mise en œuvre des dispositifs. La solidarité avec les personnes à la rue dans notre métropole sera un marqueur politique fort des années à venir.
Un autre enjeu fort pour l’avenir est de garder la maîtrise du foncier et des prix de sortie aussi des logements dans les communes.
Dans le diffus, le prix des logements explosent parfois et on observe la nécessité d’un rééquilibrage entre les opérations de ZAC et les opérations dans le diffus. Au-delà des outils dont nous nous sommes dotés avec l’Organisme de foncier solidaire (OFS), le loyer unique, la question de l’encadrement des loyers se pose. Une simple politique de l’offre pour assurer une diversité de types de logements ne suffit plus à garantir l’accès au logement pour tous, même ici. Si nous ne rentrons pas dans les critères de la loi, rien ne nous empêche d’expérimenter un encadrement des loyers dans certaines zones. Notons qu’encadrer n’est pas plafonner, comme il est question dans les zones tendues, mais juste réguler l’évolution des loyers.
Le développement des nouvelles formes d’habitat, comme l’habitat participatif, est un autre outil de régulation qui nous semble trop peu développé actuellement.
Au delà de construire du logement, l’habitat participatif est une manière de penser et d’habiter son logement autrement. Cette démarche innovante permet à des personnes de s’associer pour penser ensemble leurs futures habitations, mais aussi des espaces destinés à des usages communs dans une logique de partage et de solidarité.
Il est un véritable atout pour porter des innovations dans la construction de logements notamment en matière environnementale et renouveler les formes architecturales et les types de logements. L’habitat participatif est aussi une réponse pour développer des habitats intergénérationnels qui favorisent les solidarités entre générations. Il peut aussi être un outil d’inclusion. En partenariat avec des bailleurs sociaux, il permet l’accès au logement des plus modestes. Enfin, le statut coopératif utilisé par certains projets permet de limiter la spéculation immobilière.
L’habitat participatif a ainsi de véritable atouts en matière de démocratie locale, de création de nouvelles solidarité, d’innovation environnementale et pourtant on ne peut que regretter que notre Métropole, contrairement à sa voisine nantaise, n’ait pas encore saisi pleinement l’opportunité de développement ces projets sur le territoire.
Autre point qui ne vous étonnera pas, nous saluons ce que l’on appelle » la massification de la transition énergétique » dans notre PLH avec l’investissement de 30 millions d’euros. L’élargissement d’Eco-travo aux propriétaires privés est une avancée majeure. Les programmes 1,2,3 BBC, Habiter mieux sont également intéressants même s’ils restent encore sur des niches restreintes.
Nous avons les bons outils et les bonnes pistes mais là, nous avons une véritable différence d’appréciation sur les moyens mis en œuvre pour réussir réellement cette transition ; à ce jour, l’investissement financier mobilisé nous paraît clairement insuffisant pour tenir les engagements du PCAET de rénover 6000 logements par an.
Enfin, nous conclurons sur un problème quasi philosophique concernant ce PLH et l’avenir de notre métropole. Nous n’attendons pas de réponse, nous n’en avons d’ailleurs pas d’immédiate mais nous souhaiterions quand-même porter au débat une question qui reste un impensé de notre politique.
Au vu des enjeux climatiques, environnementaux et sociaux qui nous attendent, il nous faut bien-sûr poser la question de la ville et de la métropole durables. Quelles sont les conditions d’une ville résiliente ? Quelle implication en termes de peuplement ? Peut-on continuer à accueillir de nouveaux habitants à ce rythme, si oui à quelles conditions et jusqu’à quand ? Il nous semble que les projections démographiques faites sur notre métropole deviennent non pas un outil d’analyse mais l’étalon qui nous dicte notre politique de peuplement. Bien-sûr le dynamisme démographique et économique d’une métropole participe de sa capacité à répondre aux enjeux qui nous attendent. Il ne s’agit pas d’ériger des murs autour de la métropole, qui doit pouvoir accueillir celles et ceux qui veulent y vivre. Cependant notre politique de rayonnement et d’attractivité ne semble pas intégrer cette donnée. On a l’impression d’être dans le toujours plus, sans être certains d’être dans le toujours mieux.
Comment renouveler la ville et la densifier tout en gardant des quartiers où l’on vit bien ? Comment juguler la pollution atmosphérique liée au chauffage urbain et l’usage de la voiture avec une population qui croît à ce rythme et un parc automobile qui ne cesse d’augmenter ? Comment préserver la ressource en eau et comment assurer une forme d’autonomie alimentaire dans une métropole à la démographie galopante dans un avenir où le réchauffement climatique va compliquer les solutions qu’on peut apporter à ces questions ? Quelles coopérations et quels équilibres avec les autres territoires ? Cela renvoie bien-sûr à notre PLUI mais interroge aussi notre modèle de développement et d’aménagement, y compris à l’échelle départementale et régionale. Les disparités en termes de population en Bretagne sont frappantes et la fameuse théorie du ruissellement tombe le masque : la soit-disant locomotive métropolitaine et menacée de saturation et les wagons périphériques décrochent, le tout au prix de tensions sociales exacerbées. C’est un autre modèle qu’il nous faut inventer, dans lequel la croissance démographique ne sera plus considérée comme un objectif ni même un indicateur particulièrement positif. Un modèle où le PLH pourra échapper à la course à la construction, à la consommation d’espace et de matériaux, pour vraiment concentrer sur la production qualitative de nos lieux de vie. |