[Tribune]
22 août 2017
Matthieu Theurier,
Vice-Président de Rennes Métropole
en charge de l’Économie Sociale et Solidaire et des éco-activités
6 900 créations d’emplois. C’est la belle performance qu’ont réalisé les entreprises de l’Économie Sociale et Solidaire (ESS), associations, mutuelles et coopératives, en Bretagne entre 2010 et 2015. Ainsi, sur cette période, le maintien de l’emploi breton a reposé essentiellement sur les acteurs de l’ESS alors que dans le même temps l’économie privée détruisait 2 600 emplois.
En 2015, après trois années de baisse consécutives, l’emploi breton dans le secteur privé est reparti à la hausse. Mais l’ESS, avec plus de 1 100 emplois créés représente encore 46 % de la croissance des effectifs. 25 % à l’échelle de Rennes Métropole.
Ces bons résultats doivent être d’autant plus salués qu’ils ont été obtenus dans un contexte de crise économique et de réduction importante des subventions publiques vers le monde associatif. Il faut aussi rappeler que les associations n’ont pas bénéficié des importantes réductions d’impôt du CICE mis en place en 2013. Un crédit d’impôt de taxe sur les salaires destiné aux associations a été institué en compensation, mais seulement depuis le 1er janvier 2017…
Si les entreprises de l’Économie Sociale et Solidaire ont continué à créer des emplois en pleine crise, c’est parce que leur objectif est d’abord la réalisation de services à la population. Les bénéfices réalisés ne sont pas redistribués à des actionnaires mais réinjectés dans le projet de l’entreprise, au profit du territoire sur lequel elle est implantée et de ses habitants. Et pourtant les entreprises de l’Économie Sociale et Solidaire sont le plus souvent ignorées des financeurs privés comme publics qui ne parlent que « start up » et « french tech ».
Pour réaliser de nouveaux investissements et créer de nouvelles activités, les entreprises de l’ESS disposent néanmoins de dispositifs spécifiques, et notamment les contrats aidés qui sont aujourd’hui menacés.
De très nombreuses créations d’activités associatives se font ainsi grâce aux contrats aidés. C’est l’exemple du jeune chômeur qui, face à la difficulté de trouver un emploi salarié, profite de son éligibilité au contrat aidé pour lancer sa propre activité. Le contrat aidé vient couvrir une partie du risque financier inhérent à toute création d’entreprise dans ses deux premières années d’activité. C’est ainsi que se sont créés dernièrement sur Rennes Métropole des ateliers de réparation de vélos, de recyclage, de nouvelles actions culturelles, une conciergerie, une épicerie coopérative, des activités d’animation et de médiation dans les quartiers pour ne citer que ces exemples.
Avec la fin annoncée des contrats aidés, ce sont plusieurs créations d’emplois et projets utiles aux habitants de la métropole rennaise qui sont directement remis en cause.
Contrairement à ce qu’affirment la Cour des Comptes et la ministre du Travail, les emplois aidés sont plutôt efficaces en matière de retour à l’emploi pour les personnes qui en bénéficient. Avec un taux d’accès à l’emploi de 52 % dans le secteur non marchand pour les moins de 28 ans, ils dépassent de nombreux autres dispositifs d’insertion par le travail. Il faut aussi rappeler que le dispositif de création d’emplois le plus onéreux mis en œuvre ces dernières années reste bien le CICE. Étonnamment, celui-ci est prolongé sans que cela ne fasse particulièrement débat !
Évidemment, personne ne se satisfait du principe des contrats aidés. Trop précaire pour le salarié, incertain pour l’employeur, coûteux pour la collectivité publique. Évidemment, salariés, employeurs et représentants des pouvoirs publics préférerons toujours un CDI à temps plein payé au dessus du SMIC plutôt qu’un contrat d’avenir. Mais ce n’est malheureusement pas la réalité du marché du travail aujourd’hui. Si l’on peut s’accorder sur une remise en cause du principe même du contrat aidé, il faut alors créer des alternatives. L’arrêt brutal du dispositif par le Gouvernement est un choc pour les entreprises et les salariés qui bénéficient de ces contrats.
Ce qui guide la suppression des contrats aidés, ce n’est ni la bonne gestion des fonds publics, ni l’efficacité économique, ni l’efficacité des politiques d’emplois. Le Gouvernement fait là un choix politique : celui d’aider les entreprises de l’économie traditionnelle en prolongeant le CICE, et de mettre à mal l’Économie Sociale et Solidaire en supprimant les contrats aidés. Le Gouvernement doit revenir au plus vite sur sa décision.
Matthieu Theurier, Vice-Président de Rennes Métropole, en charge de l’ESS et des éco-activités