Intervention de Valérie FAUCHEUX au nom du groupe écologiste
La campagne présidentielle qui s’achève restera pour bien des aspects hors norme. Si elle se conclut par un changement des personnalités politiques, on ne peut guère penser qu’elle ait renouvelé les idées et traité des dossiers qui touchent la majorité des Français. Étonnant de voir nos principaux candidats ne s’intéresser aux plans de licenciement qu’à partir de fin avril ! Pourtant ceux-ci n’ont pas cessé pendant la période.
La vie ne s’annonce pas rose, et encore moins rose bonbon, à la couleur de leur enseigne, pour les salariés de Tati. Agora distribution, filiale du groupe Eram à laquelle Tati appartient est déclarée en cessation de paiement depuis le 28 avril dernier. 1700 emplois pour 140 magasins, dont celui de Rennes sont concernés. Certes, Tati n’est pas une entreprise connue pour ses vertus environnementales. Mais sur Rennes, après la fermeture de Mim et le licenciement de 4 personnes, c’est 11 autres salariés menacés.
Leur sort est désormais confié à une banque d’affaire en charge de trouver un repreneur dont le nom sera étudié par le tribunal en fin de semaine. Dans ce dossier, on ne peut que constater le manque de synergie entre la filiale et la maison mère. Eram, loin d’être déficitaire, est dirigé par les frères Bioteau dont la fortune est inscrite au classement des plus grandes fortunes françaises du magazine Challenges. Le groupe Eram a largement bénéficié du CICE, ce crédit d’impôt supposé encourager la création d’emplois. Les devoirs du groupe envers sa filiale sont encore plus réduits depuis la Loi Macron qui a supprimé l’obligation pour les groupes de financer les plans sociaux de leurs filiales. Qui paiera les indemnités et le plan de reconversion des salariés licenciés ? Eram compte sur les contribuables.
CICE, loi Macron, loi Travail : aucune de ces mesures des gouvernements Hollande ne permet d’empêcher les licenciements et la désintégration des droits des salariés. Comme partout en France, les salarié-e-s rennaises et rennais en font l’amère expérience.
Je pense notamment aux 300 salariés de l’Apase victimes d’un changement unilatéral de leur convention collective qui aura un impact fort sur leurs droits : perte de salaires et de congés qui vont détériorer les carrières des personnels. Trois semaines de grève n’auront pas suffi pour empêcher le passage en force par leur direction, encouragée par la loi Travail qui permet désormais aux employeurs de ne pas intégrer dans un accord local les conditions favorables de la précédente convention. Et pour éviter de négocier, le Bureau de cette association préfère rejeter la médiation proposée par les salariés et soutenue par la Préfecture la semaine dernière. Preuve en est de leur inconséquence : ses membres partent en vacances alors que la nouvelle convention doit s’appliquer à partir du 31 mai. Ce départ en vacances empêche toute nouvelle négociation. L’amertume et la déception des salariés envers les administrateurs sont fortes, qui laissent présager à l’avenir de grandes difficultés pour l’association à assumer ses missions sociales dans de bonnes conditions.
Enfin, aux risques de perdre son emploi et ses droits, s’ajoute celui de ne pouvoir se défendre. Hier surchargés, les prud’hommes voient le nombre de saisines chuter de 40 % en un an, à Rennes comme ailleurs. Les syndicats pointent la loi Macron qui en 2016 a changé les règles. Sous prétexte de simplifier la procédure, les salariés doivent constituer un dossier complet avec leurs pièces justificatives pour lancer la procédure. Pour compléter ce dossier très complexe et peu adapté aux situations individuelles, un avocat est le plus souvent nécessaire. Découragés et empêchés financièrement, les salariés renoncent alors à faire valoir leurs droits.
Toutes ces lois dites de flexibilisation du travail profitent principalement aux grandes entreprises.
Il est totalement illusoire de penser, dans un contexte de chômage de masse, que de nouvelles mesures visant à réduire les droits des salariés puissent permettre d’améliorer la situation de l’emploi.
Elles ne serviront qu’à renforcer le dumping entre entreprises et surtout entre salariés. Elles instituent la précarité comme modèle social. Précarité qui rime avec pauvreté comme vient de le rappeler le rapport annuel du FMI au sujet de la situation allemande. 9,7 % de la population allemande dotée d’un emploi vit effectivement en dessous du seuil de pauvreté. Preuve en est que la soit disant réussite économique des entreprises s’effectue sur le dos des travailleurs. Croissance ne rime donc pas avec progrès social.
À l’heure où ce gouvernement annonce de nouvelles attaques contre le Code du travail, de nouveaux allègements sur l’impôt aux sociétés, il est de notre responsabilité en tant qu’élu-e-s locaux de soutenir les salariés de Tati qui font vivre le plus grand centre commercial de Bretagne, dont nous nous flattons régulièrement de la réussite en cette même enceinte.
Il est de notre devoir de soutenir les salariés de l’Apase dont les missions de protection de l’enfance et des majeurs sont essentielles dans notre ville.
Ils agissent au quotidien par délégation auprès des jeunes Rennais et de leurs familles en difficultés. Le groupe des écologistes formule le vœu que leur direction ouvre un nouveau cycle de négociations avec le souci d’apaiser la situation et de prendre en compte les revendications d’amélioration de rémunérations et des conditions de travail.
Jeune président mais vieilles recettes maintes fois essayées qui ne résoudront pas la situation économique. Elles vont davantage détériorer la situation sociale et envenimer le climat politique. Un changement de paradigme basé sur le partage du temps de travail, sur un Code du travail qui rééquilibre les rapports de force entre salariés et patronat, sur une réelle démocratie sociale au sein des entreprises est le combat auquel notre groupe s’associera. |