À l’origine de cette exposition, il est une occasion, il est une inspiration, celles de l’artiste franco-chinois Yan Pei-Ming qui brossait en 1996 au sein de la prison des femmes de Rennes, cinq portraits de détenues rencontrées lors d’un atelier.
Profils imprécis, visages marqués, où sont la féminité et la singularité des modèles dans ces aplats noirs sur fond blanc ?
Ces tableaux mettent mal à l’aise le spectateur au regard duquel ils s’imposent par leur gabarit monumental. Cette série picturale intitulée « La Prisonnière » est massive et expose l’absence de l’une, la féminité, et la disparition de l’autre, la singularité, gommées, broyées par la condition carcérale.
Le titre de notre exposition est d’autant plus pertinent qu’il rebondit sur cette double perte dénoncée par Ming et rappelle la présence, au sein de la prison des femmes de Rennes, de « Féminins » au pluriel et de « Singuliers » également au pluriel, soumis à la sanction de la privation de liberté.
Les identités personnelles sont là qui ne sont pas à oublier derrière les murs. Ces identités peuvent investir ces mêmes murs comme ceux d’un musée. Ces identités sont le coeur du travail d’Anne-Héloïse Botrel-Kerdreux, coordinatrice de la Ligue de l’Enseignement à la prison des femmes.
Odile Hays et Marine Certain du Service des publics de notre Musée des Beaux Arts ont proposé des ateliers créatifs autour de la notion d’identité féminine et singulière aux détenues volontaires. Guidées par l’artiste-plasticienne rennaise Emmanuelle Tonin, une dizaine de femmes ont modelé le bicolore pour dire leur féminité et leur singularité.
Au final, nous sommes loin de l’opposition du blanc au noir, loin du manichéisme simplificateur.
Le mouvement qui anime cette exposition est riche lui aussi et se situe entre intérieur et extérieur. Les tableaux monumentaux de Ming ont été accrochés avec ceux des détenues, en début juin dernier, dans des cellules de la prison, et nous les recevons aujourd’hui de nouveau ensemble au premier étage du Musée, hors de la prison, offerts à contempler librement à tous les visiteurs et visiteuses, auquel ne leur sera demandé aucun laisser-passer.
Catherine Phalippou, conseillère municipale déléguée aux Musées
12 septembre 2016
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