Conseiller métropolitain
Président du groupe écologiste de Rennes Métropole |
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Intervention de Morvan Le Gentil au nom du groupe écologiste
Chers collègues,
Cette délibération, et globalement toute la séquence entérinant cette légère modification de notre exécutif, semble témoigner de règles saines devenues habituelles : respect des équilibres politiques et géographiques entre la ville-centre et les autres communes ; sobriété par la diminution d’un vice-président, remplacé par un conseiller délégué ; décote de 10 % sur les indemnités des vices-présidents cumulant leur mandat avec un autre mandat régional et/ou départemental.
Pour autant, à bien y regarder, cette mécanique ne peut être considérée comme pleinement satisfaisante : un équilibre fondamental est délibérément oublié à chaque cooptation, c’est celui de la parité, et à ce titre notre exécutif est encore une fois caricatural de notre « mâle » profond. À 10% la décote « cumul », quant à elle, n’a manifestement pas été encore assez désincitative pour les deux dernières élections locales. D’ailleurs cette remise en cause des cumuls n’est qu’un trompe-l’oeil au vu du choix de notre nouveau conseiller délégué, déjà multi-engagé au sein de nos collectivités. Enfin l’effort de sobriété doit tout de même être lu à l’aune de la taille de notre Bureau, 26 membres, là où, dans l’esprit, la loi de 2010 portant réforme des collectivités territoriales estimait le bon dimensionnement plutôt à 15 – remonté à 20 pour les métropoles avec la loi MAPTAM.
Ces constats se superposent à un autre problème structurel de notre régime indemnitaire : d’une certaine manière la loi MAPTAM a acté que par leur budget, l’étendue de leurs compétences, la complexité de leurs dossiers, les métropoles jouaient désormais dans la même cour, pour faire simple, que les départements et les régions. Elle a donc porté un relèvement des plafonds indemnitaires pour les vice-présidents comme pour les conseillers métropolitains, avec un rapport de 1 à 3 entre les autres et les uns. On voit l’idée : dégager du temps aux élu-e-s, pilotes d’une politique où contributeurs à l’élaboration des décisions, pour s’approprier les dossiers, creuser les options, être en veille, se former… finalement prendre toute leur place dans le portage politique et le dialogue avec les équipes.
Or de ce point de vue, Rennes Métropole fait figure d’anomalie : à Nantes Métropole le ratio entre les indemnités de vice-président et de conseillers métropolitains est de 1 à 2, à Bordeaux de 1 à 2,5. Ici il est de 1 à 10, avec des indemnités de conseillers métropolitains qui ne passent pas les 200 € en net. Symboliquement, cela sonne comme une défiance : la croyance à peine voilée qu’accorder plus serait gâcher, que les conseillers ne souhaitent pas s’investir davantage et que leur casquette métropolitaine leur suffit amplement trois heures par mois, dans l’hémicycle. Nous pensons que cette vision est fausse et qu’elle n’est pas à la hauteur de ce que sont devenues les métropoles.
En effet, quelles sont les conséquences concrètes de ce choix :
- Tout d’abord un fonctionnement à deux vitesses, entre d’une part les membres du Bureau et les maires, qui composent également les commissions restreintes, les copil thématiques, et se partagent les représentations extérieures de notre métropole ; et d’autre part les autres conseillers, une bonne moitié de notre assemblée, qui suivent le train comme ils peuvent, à peine distincts d’un conseiller municipal « lambda » sauf pour ces trois heures par mois.
- Cela débouche évidemment sur un absentéisme assez marqué (aurions-nous si souvent notre quorum en dehors des membres du Bureau ?) et des débats plutôt limités en termes de participation.
- Cela ne promeut pas non plus le dépassement des identités communales dans le projet métropolitain. Notre mode de scrutin n’est déjà pas aidant, mais si en plus le mandat métropolitain est officiellement positionné, par la Métropole elle-même, comme annexe pour une moitié d’entre nous, la partie n’est pas gagnée.
- In fine, cela affaiblit la légitimité démocratique de nos décisions et nourrit le fantasme d’une décision publique monopolisée par une élite de professionnels politiques – à l’encontre des attentes de nos concitoyens.
On pourra me rétorquer que je prêche pour ma paroisse : en tant que Président de groupe je suis bien obligé de m’intéresser à un peu tout, j’ai en outre le privilège d’avoir été désigné membre d’une commission restreinte, en plus de diverses réunions et groupes de travail de ci de là… c’est loin d’être simple avec une indemnité de simple conseiller, mais je ne demande pas de médaille : à dire vrai, j’ai surtout la chance d’avoir par ailleurs un cadre professionnel souple et facilitant. La question n’est pas là : préparer à fond ses dossiers et ses votes, participer aux réunions où se débattent les choix et les orientations… ne devrait pas être réservé à une minorité de notre assemblée. Ce devrait être le lot commun de tous ici. Or avec 200 € il n’est pas possible de se dégager les quelques journées de travail par mois, a minima, que cela demande. Sauf à être par ailleurs élu professionnel, ou issu d’une catégorie socio-professionnelle particulièrement compatible – mais on voit bien qu’alors on retombe très vite dans les cercles vicieux de l’endogamie. Et je ne parle même pas des frais annexes, baby-sitting et autres, liés à la conciliation du mandat d’élu avec nos vies familiales – même s’il y aurait à creuser également sur ce plan.
À ce stade nous ne souhaitons pas sauter hâtivement aux conclusions, et surtout pas inciter à une inflation de l’enveloppe indemnitaire globale. Au contraire nous pensons qu’il est possible de travailler, dans une quasi-stabilité, à une meilleure répartition qui permette à chacun ici de s’investir davantage dans son mandat et dans nos différentes instances de préparation et de débat. Nous pensons surtout qu’il y a là un chantier à ouvrir dans le cadre du bilan à mi-mandat de la nouvelle gouvernance.
Dans cette attente, nous nous abstiendrons sur cette délibération. |