Madame la Maire, chers collègues,Dans la nuit du 25 au 26 octobre, à 1h50 du matin, un jeune militant environnementaliste et pacifiste de 21 ans, étudiant botaniste, sans aucune appartenance politique connue, a été tué par une grenade offensive lancée par un gendarme lors des affrontements entre forces de l’ordre et opposants au projet de barrage de Sivens dans le Tarn. Trois semaines après la mort de Rémi Fraisse, la colère des militants écologistes et de gauche ne s’apaise pas.Et c’est bien compréhensible car face à cette injustice, la réaction du gouvernement n’est pas à la hauteur, préférant ignorer le retentissement qu’a causé la mort de Rémi Fraisse et qui creuse encore un peu plus le fossé entre le gouvernement et cette frange de ce qu’on appelle « le peuple de gauche ».Il est confortable de considérer Sivens comme la contestation de quelques-uns, que l’on nomme autonomes, ultragauchistes, voire terroristes, ce qui est une accusation grave et infondée. C’est bien mal connaître la réalité du phénomène qui se cristallise aujourd’hui autour de ces grands projets, qu’avec d’autres, nous qualifions d’inutiles. Car à Sivens, comme à Notre-Dame-des-Landes, au-delà des zadistes qui occupent le terrain, ce sont des militants associatifs environnementalistes, des paysan-ne-s, des élu-e-s locaux, des riverain-e-s, des citoyen-ne-s engagé-e-s, ancien-ne-s du Larzac et de Plogoff, qui s’opposent à ces projets car ils en contestent le bien fondé.Le gouvernement et les élu-e-s promoteurs de ces projets se trompent lorsqu’ils invoquent la légalité des procédures. Dans une démocratie, la règle ne peut être invoquée pour esquiver le débat politique et philosophique autour de la légitimité de ces projets au regard de l’intérêt général des populations aujourd’hui et de celles à venir. Elle ne peut non plus justifier les violences policières et la criminalisation croissante des mouvements sociaux à laquelle nous assistons avec beaucoup d’inquiétude. Cette criminalisation contraste d’ailleurs grandement avec l’indulgence policière face aux dégradations commises par d’autres protestataires, notamment ici en Bretagne, qui incendient des portiques écotaxe ou le centre des impôts de Morlaix, manifestations qui elles, comble de l’absurde, n’étaient pas sous le coup d’une interdiction préfectorale.Quant à la légalité des procédures en question à Sivens, le droit européen est venu rappeler à la France qu’elle a fait fi des règles européennes, notamment en matière de protection des milieux et de la biodiversité. Elle vient en effet d’engager une procédure contre la France pour non-respect de la directive cadre sur l’eau et pour non-respect des règles en matière d’utilisation des fonds FEADER pour le financement du projet. On apprend aussi que l’enquête publique, présentée comme la garantie infaillible de la légalité de tout cela, n’a pas pris en compte les avis très défavorables de l’ONEMA (Office national de l’eau et des milieux aquatiques). Alors de quel côté se trouvent les défenseurs de la règle ? Et de quelle règle parle-t-on ? C’est tout le débat.Les élus écologistes tiennent ici à renouveler leur engagement aux côtés de ceux et celles qui s’opposent pacifiquement, avec constance et vigilance, à la destruction des forêts, des zones humides, celle du Testet, comme celle de NDDL, des cours d’eau, des mers et des océans, des montagnes, éléments vitaux de notre éco système. Et tout cela au nom d’un schéma de développement daté et en totale dissonance avec les aspirations d’un nombre croissant de citoyens. Ce droit à une nature sauvegardée, à un modèle agricole et économique respectueux des hommes et de leur environnement, tout comme des deniers publics, le droit à le revendiquer publiquement, sont des droits sociaux et humains inaliénables.
L’histoire tragique de Rémi Fraisse nous rappelle celle de Vital Michalon, jeune écologiste de 31 ans qui mourrait lui aussi en 1977, le thorax déchiré par une grenade offensive lors d’une manifestation contre Superphénix. Les circonstances qui ont présidé à la mort de l’un et de l’autre sont similaires, tout comme l’opacité dans l’enquête qui a suivi. La différence est qu’en 1977, il s’agissait d’un gouvernement de droite et qu’il n’y avait pas encore eu de précédent. La mort de Rémi Fraisse aurait pu être évitée, mais on ne retient jamais les leçons du passé. L’interdiction des grenades offensives était bien le moins que l’on pouvait attendre du gouvernement dans ces circonstances. Mais cela ne règle en rien la question sur la façon dont une démocratie doit répondre à ces évènements, sans matraque ni lacrymogène.
À Rennes comme ailleurs ne laissons pas la jeunesse désespérer de la politique. Ne laissons pas non plus aux forces conservatrices et à l’extrême droite le soin de dénaturer le sens du combat qui a amené un jeune homme engagé comme Rémi Fraisse à se trouver face aux CRS ce soir-là. Par pitié, ne hurlons pas avec ces loups-là. Prenons le parti de la démocratie, tout simplement.
Prendre le parti de la démocratie, c’est aussi se pencher sur des sujets apparemment plus lointains de nous mais qui, en réalité, nous touchent directement. Ainsi une actualité brûlante nous rappelle urgemment à la mobilisation pour les droits humains. Mercredi prochain nous recevrons une délégation palestinienne venue témoigner des terribles conditions de vie dans les territoires occupés.
À la fin du mois d’octobre, la Suède a reconnu formellement l’existence d’un État Palestinien. Une première pour un pays membre de l’Union européenne! Quelques jours auparavant, c’était le parlement britannique qui se prononçait dans ce sens, lors d’un vote dit non contraignant. Lors d’un déplacement à Gaza, Federica Mogherini, la chef de la diplomatie européenne a d’ailleurs rappelé qu' »il faut un État palestinien ». À travers le monde, il y a désormais 135 États qui reconnaissent la Palestine comme un État. La France ne peut plus rester en retrait de ce mouvement de l’Histoire. À l’occasion du vote, le 28 novembre prochain, à l’Assemblée nationale sur la reconnaissance de l’État palestinien, les élus écologistes de la ville de Rennes demandent aux députés rennais de peser de tout leur poids en faveur d’un vote de reconnaissance.
Oui, il faut un État palestinien! |